La famille Bernard et la Corée #2

 Dans la famille Bernard, je voudrais… Armand !


Il y a quelques semaines, je vous avais présenté Pascale, la maman.

Dans la famille Bernard, chacun a un lien particulier avec la Corée.

Il y a Léa, l’initiatrice ; Pascale, l’enthousiaste ; Armand, le curieux et… le papa qui suit toute sa petite famille.

Aujourd’hui, je vais vous parler de l’expérience d’Armand qui m’a gentiment accordé de son temps au mois de juin dernier en visio pour me raconter SA Corée. Nous avons abordé beaucoup de sujets, et pas toujours les plus drôles. Qu’il soit ici remercié du temps qu’il m’a accordé.

Armand et l'Asie

Armand est un jeune homme de 24 ans. Il a fait ses études à Toulouse et est aujourd’hui ingénieur en biologie. Dans le cadre de ses études et grâce à son goût pour l'Asie, il a pu voyager à Hong Kong un semestre, et plus récemment un an et demi en Corée pour faire un double diplôme à l'université nationale de Séoul. C’est dans ce cadre là que j’ai souhaité échanger avec lui, pour avoir son retour sur 18 mois de vie en Corée, quand on est un jeune Français.

Armand Bernard.

Armand Bernard.


L’attrait d’Armand pour l’Asie a commencé avec le Japon : les mangas tout d’abord puis, par extension, tout ce qui concerne la culture japonaise. Il a ensuite élargi à d’autres pays d’Asie et à leur culture. Lors de ses études à Toulouse il a eu l'occasion de partir à l’étranger. Il a choisi Hong Kong. Il a bien aimé et donc il a voulu réitérer l'expérience dans d'autres pays d'Asie. Au cours de sa dernière année d'études à Toulouse, il a décidé de faire un double diplôme dans une université partenaire. Il a choisi Séoul. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas aussi difficile pour un Européen d’intégrer cette prestigieuse université.

Armand connaissait peu la Corée car il s’était surtout intéressé au Japon. Il est donc entré dans la culture coréenne par le biais désormais classique des drames et du cinéma, grâce à sa sœur. La sortie de Parasite en France en 2019 a été le déclencheur. Il a vu plusieurs films de Bong Joon-ho, puis s’est intéressé à l’histoire de la Corée. Peu à peu, il a élargi à d’autres domaines. Il voulait se préparer avant de partir pour avoir un minimum d’informations.

La barrière de la langue

Armand ne parle pas coréen. Il a quelques notions, il peut lire les panneaux mais il ne parle pas. En fait, à part d’un point de vue administratif, cela n’a pas été un souci. En effet, Armand travaillait dans un environnement international et donc, même si les gens de son laboratoire étaient tous coréens ils parlaient aussi tous très bien l'anglais. D’autre part, comme il le précise lui-même, « dans ce genre de cursus, les échanges se font généralement en anglais pour simplifier la communication entre les différentes nationalités ». Même si cela a été plus compliqué quand il lui a fallu trouver un appartement et remplir les papiers correspondants, il a surmonté cette difficulté car il s’est fait aider par ses collègues de laboratoire.

Armand (au centre de la photo) et ses collègues de laboratoire.

Armand (au centre de la photo) et ses collègues de laboratoire.


Cela étant, il faut reconnaître que, à Séoul même, ne pas parler coréen n’est pas une difficulté en soi. Que ce soit dans un cadre personnel et touristique ou bien professionnel, tout est de plus en plus fait pour une compréhension de tous les éléments de communication par les étrangers. Dans le métro par exemple, tout est traduit. Les annonces sont faites en coréen, puis juste après en anglais puis en japonais, puis en chinois. Les noms des stations sont aussi affichés en caractères romains. Les personnels des magasins, restaurants, boutiques, connaissent le vocabulaire de base. Il est donc facile de se déplacer et de consommer.

Et puis, de plus en plus d’outils sont à la disposition des touristes qui ne parlent pas la langue, via certaines applications disponibles sur téléphone. La plus connue en Corée est Papago, un service de traduction automatique disponible sur le Cloud et fourni par le géant Naver.

La « barrière de la langue » n’a donc pas du tout été un frein à son intégration.

Le poids de la hiérarchie

Dans les dramas, la hiérarchie est très importante. Qu’elle soit familiale, sociétale, entrepreneuriale, l’individu est effacé au profit de la collectivité. Je voulais donc savoir si la vie dans une unité de recherche en biologie à l’université était affectée par ce type de relations ou si elle en était exempte.

Pour Armand, ce qu’il a vécu était différent de « la hiérarchie classique coréenne ». Même s’il y avait des gens de tous âges. Par contre, une de ses amies partie en même temps que lui et travaillant dans un autre laboratoire a été, elle confrontée à « un peu plus d'austérité et de relations hiérarchiques comme on peut se l'imaginer en Corée ». Ce qu’il en retient c’est que c’était un système de fonctionnement très proche du mode de fonctionnement occidental et notamment américain. Ce qui n’est pas très étonnant dans la mesure où « la Corée est beaucoup influencée par les États-Unis. »

La Corée en quatre mots

Armand a accepté de résumer son expérience de la Corée en quatre mots. Les voici : excitation, challenge, résilience, retour.

Excitation

« Tout était nouveau. Je partais pour 18 mois. J’étais pressé, excité de tout découvrir et de tout voir ».

Challenge

« De par toute cette nouveauté. Je suis sorti de ma zone de confort dès le début. Sans compter la pression des mes études, de mon laboratoire. Les attentes étaient fortes. Au début, j’étais un peu “touriste” Au bout de quelques semaines, j’ai pris conscience de ce qui était en jeu. J’étais là pour préparer mon diplôme et pas pour faire du tourisme. Donc j’ai changé ma façon de penser et d’agir et je suis passé en mode “ok on y va. On bosse”. Et je me suis mis à travailler plus. Ce qui m’a facilité la vie et enlevé un peu de pression (rires) ».

Résilience

Armand a vécu une expérience compliquée. Pendant quelque temps, sa réalité quotidienne s’est confondue avec ce que l’on voit dans les films ou les dramas coréens.

Le premier appartement dans lequel il vivait quand il est arrivé était en demi sous-sol et lors de son premier été en Corée, il y a eu de fortes pluies à Séoul qui ont provoqué beaucoup d’inondations. Il en a été victime. Il a donc dû chercher un nouveau logement tout en gérant la pression au laboratoire. Les deux cumulés en étant tout seul dans un pays étranger avec une langue incompréhensible lui ont fait vivre des moments difficiles. Il les a surmontés, certes, mais il a connu quelques moments de découragement. Il a pu gérer cela grâce au soutien de sa famille, même à distance. Des échanges réguliers pour donner des nouvelles et en prendre, des envois de photos, tout cela lui a permis de tenir le coup.

L'appartement d'Armand.

L'appartement d'Armand.


Un autre élément de soutien a été la personne de son école qui était partie en même temps que lui. Le fait de pouvoir, de temps en temps, parler en français lui a grandement faciliter les choses. « Parler dans sa langue maternelle c’est parler (presque) sans réfléchir. Vous avez juste à penser à ce que vous avez à dire. Pas à comment vous allez le dire ni à chercher la traduction des mots. Cela permet de “reposer un peu le cerveau”. »

Son poste de travail… et de jeu.

Son poste de travail… et de jeu.


Un dernier élément qui lui a aussi permis de tenir le coup. Armand est en joueur en ligne. Ses amis, à l’époque étaient en France, au Japon, un peu éparpillés à travers le monde. Chacun avec des expériences particulières. « Ces moments de jeu étaient aussi des moments de partage d’expérience. Je me suis aperçu que, après tout, quel que soit l’endroit où l’on se trouve, on vit tous à peu près les mêmes choses. Ca rapproche et surtout, ça rassure. Et ça permet aussi de dédramatiser un peu ».

Un autre aspect de la résilience évoqué par Armand concerne les difficultés auxquelles il s’est trouvé confronté dans le cadre de son travail. Il y avait des personnes au-dessus et autour de lui mais pas forcément toujours disponibles quand il en avait besoin. Il avoue que même si cela a pu être difficile à certains moments, cela lui a aussi permis de gagner en indépendance, en autonomie et donc en expérience. Il a su transformer une difficulté en force.

Retour

Après 18 mois en Corée, Armand était content de rentrer car, après tout ce temps, sa famille et ses amis lui manquaient bien sûr, mais surtout il estimait « avoir fait le tour ». Son cursus était terminé, il avait voyagé et vu tout ce qu’il voulait voir. Il était donc temps de rentrer. Il avait été content de partir. Il était maintenant content de rentrer.

France - Corée

Avant de conclure notre entretien, j’ai soumis Armand à un comparatif France - Corée.

Pas avantages/inconvénients car il n’y a pas de pays miracle et, quel que soit le pays considéré, chacun a ses avantages et ses inconvénients. Je voulais juste savoir ce qui lui avait le plus plu et le plus déplu.

La première chose qui est ressortie c’est la facilité et la rapidité à pouvoir faire tout un tas de choses : les supérettes ouvertes 24 heures sur 24 et dans lesquels vous trouvez à peu près de tout, de l’élastique pour cheveux au chargeur de téléphone. Mais aussi la gestion de sujets plus complexes et plus administratifs. Par exemple, le changement de logement. En une journée, Armand a trouvé son logement, rempli tout le dossier administratif, signé le bail et… déménagé ! « Les Coréens ne veulent pas perdre de temps dans ces tâches chronophages. Ils font donc le nécessaire pour qu’elles soient rapides à exécuter ».

Une autre chose qui lui a beaucoup plus est le côté gigantesque de Séoul. La superficie de Séoul est six fois supérieure à celle de Paris, 605,2 km² à Séoul pour 105 km² à Paris. Il y a aussi beaucoup apprécié toutes les influences de l’Asie qu’il a pu retrouver en une seule et même ville. Connaître l’histoire de la Corée permet de comprendre l’absence de traces historiques dans l’architecture, comme nous pouvons les connaître en France. En effet, la Corée a été occupée par le Japon de 1910 à 1945 et rebaptisée Gyeongseong. C’est en 1948, lors de la proclamation de la création de la République de Corée que Séoul devient la capitale de la péninsule. Elle a ensuite subi de graves dommages lors des conflits de la Guerre de Corée, dont la bataille de Séoul fut l'un des évènements majeurs : le palais de Gyeongbok et sa grande porte sont notamment incendiés. Reconstruite dans les années 1960 et 1970 avec l'aide des États-Unis, Séoul a connu une forte industrialisation et est devenue le visage d'une Corée du Sud en voie de modernisation. À partir des années 1990, elle a vu affluer un nombre massif de Coréens quittant les campagnes où ils ne trouvaient plus à travailler ni à se nourrir. Séoul comptait en 2020 un peu plus de neuf millions d’habitants (un peu plus de deux millions à Paris) avec une densité de population de presque 16 000 habitants au km² (un peu plus de 20 000 à Paris). Séoul compte aujourd’hui 25 millions d’habitants (ville + agglomération proche). Presque la moitié de la population du pays.

Malgré un emploi du temps chargé et une pression relativement importante pour la production de résultats, Armand a pris le temps de voyager un peu en dehors de Séoul pour découvrir d’autres aspects de la Corée.

La gestion de la pression

La pression justement, parlons en. C’est une des choses qui a le plus déplu à Armand tout au long de son expérience coréenne. La pression à l’université d’abord, pour y entrer, puis pour avoir les meilleurs notes et les meilleurs résultats pour pouvoir accéder ensuite aux meilleurs postes.

La Corée est célèbre pour avoir le taux de suicide des étudiants le plus élevé de l’OCDE. Pour l’année 2019, l’OMS estimait le taux de suicide global en Corée à 21,2 pour 100 000 habitants. En réponse, le gouvernement sud coréen a adopté en 2023 le Cinquième plan quinquennal pour la prévention du suicide. (voir https://world.kbs.co.kr/service/news_view.html).

Armand au travail dans son laboratoire.

Armand au travail dans son laboratoire.


Avant de terminer notre entretien, j’ai demandé à Armand quels seraient les deux principaux conseils qu’il donnerait à quelqu’un qui va partir en Corée pour la première fois.

« Le premier est de ne pas avoir peur d'essayer les choses. L'ouverture d'esprit est très importante quand vous allez en Corée. Tout essayer, se faire peut-être un peu violence. La récompense en vaudra le coup, je trouve. Ensuite, c'est mieux d'éviter de se croire tout permis et ne pas abuser de la gentillesse des Coréens. Respecter leurs codes culturels, même si c‘est un choc ».

En conclusion et pour résumer, Armand est plus qu’enthousiaste de cette expérience. Il en rentre changé tant sur le plan personnel que professionnel ? Changé dans le sens « enrichi » de tout ce qu’il a vécu. Je tiens encore une fois à le remercier pour le temps qu’il m’a accordé.

Armand et ses collègues de laboratoire.

Armand et ses collègues de laboratoire.




Article paru sur le site de Korea.net le 2 novembre 2023

https://french.korea.net/NewsFocus/HonoraryReporters/view?articleId=241129

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